À quel moment peut-on parler de la création de l’aura d’un objet ou d’un personnage? La réponse peut être très subjective, car tout est une question d’émotions versus l’intérêt qu’on attribue au sujet. À cela, nous pourrions aussi ajouter le contexte historique de l’objet et la notoriété de l’individu. Pour les objets – peinture ou pièce de collection –, le temps qui passe fait en sorte que l’aura augmente graduellement avec les années. Plus l’époque est lointaine, plus l’objet prend généralement de la valeur. On peut remarquer ce phénomène avec les pièces de monnaie, les timbres, les meubles antiques et même les cartes de hockey.
Dans le cas d’une personne, peut-on seulement attribuer son aura à sa notoriété? En principe, j’aurais tendance à répondre dans l’affirmative, c’est-à-dire que le statut social d’un individu, qu’il soit éboueur ou premier ministre, influence généralement le degré de « création » d’une possible aura. Cependant, surviennent parfois dans la vie, des situations qui permettent l’apparition d’une aura aussi insoupçonné qu’inattendu, et ce, plus rapidement qu’on pense…
L’artiste américain Andy Warhol a déjà déclaré que chacun dans le futur, aura droit à son quinze minutes de célébrité. On pourrait débattre longtemps sur cette phrase et on ne peut pas dire que celle-ci soit véridique, car ce n’est qu’une opinion. Quoi qu’il en soit, je peux vous dire que ce fait s’est réalisé dans mon cas, et même plus de quinze minutes. Durant cette période, j’ai ressenti la présence d’une aura. Si on porte attention à la définition de ce mot (aura), voici ce qu’on y apprend de façon précise :
Atmosphère psychologique subtile et subjective réfractive ou tonique, semblant émaner de certaines personnes.
J’ai une histoire à vous raconter. Je tiens à préciser que je vous la partage en toute modestie, et ce, dans l’unique but de nourrir le présent billet, car l’expérience que j’ai vécue se rapporte bien au sujet traité. Voici donc…
Depuis 2003, j’ai eu la chance de collaborer avec l’auteur-compositeur-interprète Gilles Valiquette en ce qui a trait à la création de son site Internet, mais aussi à la confection de quelques-unes de ses pochettes de disque.
À l’automne 2005, après plus de deux ans de travail, nous avons mis en ligne le site www.gillesvaliquette.com. Au début de 2006, son album enregistré devant public « Pour l’occasion » – dont j’ai eu la chance de concevoir la pochette –, fut lancé sur le marché.
La journée du lancement, Gilles Valiquette est invité à l’émission « Salut Bonjour! » présenté tous les matins, depuis bon nombre d’années, à TVA. Les cotes d’écoute sont importantes. Bien entendu, il est impératif pour moi d’écouter l’émission. L’entrevue va bon train et l’animateur interviewe l’artiste au sujet de sa carrière et de son plus récent album. Par la suite, la discussion bifurque sur la présentation du site Internet et c’est à ce moment que M. Valiquette mentionne que la conception du site provient de son plus grand admirateur, qui est basé à Rouyn-Noranda dont le nom est Richard Lupien. En direct, on peut même y apercevoir des images de l’interface du site et certaines animations. Assis, tout seul dans mon salon, j’étais saisi par l’émotion. Wow!
C’est à partir de ce moment que j’ai senti l’apparition de la fameuse aura :
- Le téléphone s’est mis à sonner. Certaines personnes de ma famille m’ont appelé et même des connaissances qui, de coutume, ne m’appellent jamais;
- J’ai reçu des courriels d’amis, de connaissances et d’inconnus qui voulaient avoir une soumission pour la conception d’un site Internet;
- Des dizaines de commentaires élogieux ont été envoyés par le biais de la section « Contactez-nous » du site Internet (que M. Valiquette m’a gentiment transférés);
- Une journaliste de Radio-Nord m’a appelé pour une entrevue à la télévision;
- Un journaliste de l’Abitibi Express m’a contacté pour une interview;
- Le directeur du Festival des guitares du monde m’a offert une proposition afin de concevoir la nouvelle interface du site Internet du Festival;
- Certaines personnes m’ont apostrophé dans les magasins.
J’ai été choyé de vivre ce genre d’événement et c’est un moment dans ma vie que je n’oublierai jamais. Par contre, je n’aurais pas voulu de cette aura ad vitam æternam. Accepter la responsabilité de le porter a quelque chose de pervers : permettre à autrui d’accaparer sa vie privée. Cela peut être lourd à assumer. L’aura a prématurément coûté la vie au célèbre Michael Jackson; Serge Fiori, ex-fondateur d’Harmonium, s’en est débarrassé et n’a pas fait de disque sous son nom depuis presque trente ans. Personnellement, moi, qui était seul dans mon salon, à l’abri de tous les regards indiscrets entre les quatre murs de mon condo, situé dans une région éloignée comme l’Abitibi, j’ai senti une fuite. La fuite de l’intimité. Soudainement, une caméra était braquée sur moi, comme dans le film « The Truman Show » avec l’acteur Jim Carrey. Quelque chose d’aseptisé, de factice est apparu. Je crois qu’avec le temps, j’aurais été inconfortable d’être forcé de cohabiter avec cette aura car il faut le dire, celui-ci est hors de notre contrôle. Heureusement, le mien s’est évaporé et ne m’a laissé que de bons souvenirs.
Tout ceci pour dire, bien humblement, que l’aura n’a d’existence qu’à partir du moment où les gens veulent bien y accorder une attention.